Posté le samedi 13 février 2021 par Izy Fly
Le 7 janvier 1981, dans l’émission les Visiteurs du mercredi sur TF1, débarquait une série qui allait enflammer le petit écran de la télévision française et consolider l’engouement du jeune public français pour les animés japonais, à la manière de Goldorak quelques années auparavant. Cette série d’animation, différente des autres et multidiffusé par la suite, raconte l’histoire d’un dénommé Curtis Newton, orphelin à la suite de la mort de ses parents alors qu’il n’était qu’un bébé, qui est élevé par un androïde polymorphe nommé Mala, un robot dénommé Crag et le professeur Simon Wright. Ces derniers lui enseignent tout leur savoir jusqu’à sa majorité. À la suite de quoi, Curtis prend la décision de mettre toutes ses connaissances acquises au service de l’humanité. Lorsque la paix dans le système solaire est menacée et qu’il n’y a plus aucun espoir, le gouvernement intersidéral basé à New York fait appel à ce dénommé Curtis Newton qui officie sous le nom de code Capitaine Flam. Dans cet article, nous allons lever le voile sur l’explication du générique de fin de la série ainsi sur que la plupart des personnes qui ont contribué à sa création et à sa diffusion.
Ne nous le cachons pas, Capitaine Flam a marqué à jamais toute une génération et nous allons vous raconter l’incroyable histoire des coulisses de la création et de la diffusion française de cette série.
Tout commence en 1939. Mortimer Weisinger, rédacteur en chef au sein des Éditions Better Publications a dans l’idée de développer une série de romans basés sur un personnage ayant acquis des connaissances fabuleuses à la suite d’une explosion radioactive. On lui conseille alors un certain Edmond Moore Hamilton afin d’écrire et de concevoir les histoires et les personnages, ce dernier ayant écrit de nombreuses nouvelles pour le magasine Air Wonder Stories depuis 1929. Mais Hamilton est peu emballé par cette idée. Il va ancrer le personnage dans un univers plus plausible et va mettre toutes ses connaissances scientifiques et astronomiques afin de rédiger en hiver 1940 « L’Empereur de l’espace », texte édité au sein du magasine Pulp, revue très populaire auprès des adolescents, que l’on baptise Captain Future. Une série de dix-sept romans verront le jour jusqu’en 1944, année durant laquelle la pénurie de papier due à la Seconde guerre mondiale met un terme à la publication du Pulp.
Au printemps 1945, le Captain Future fait son retour au sein du premier numéro de Startling Stories, mais cette fois-ci sous forme de nouvelles, partageant ainsi la vedette à parts égales avec d’autres auteurs de science-fiction. Au total, 17 romans et 10 nouvelles seront écrites par Edmond Hamilton et publiés jusqu’en mai 1951.
En 1966, les romans sont traduits au Japon à l’initiative de Masahiro Noda. L’homme traduira par la suite l’intégralité de l’œuvre d’Edmond Hamilton pour le marché japonais.
L’œuvre rencontre un véritable succès, à tel point qu’en 1977, la TOEI Animation, toujours à la recherche de nouveaux projets et désirant surfer sur le succès de la Guerre des étoiles et des aventures du Captain Futur, décide d’adapter les romans d’Edmond Hamilton sous la forme d’une série d’animation. Mais contrairement aux animés japonais de cette époque qui sont souvent issus d’adaptations de mangas, à l’instar d’Albator et de Cobra, le Captain Futur, alias le Capitaine Flam pour la version française, déroge à la règle et fait partie de ces rares animés japonais qui ne sont pas issus de l’adaptation d’un manga.
Afin de respecter au mieux les histoires d’Edmond Hamilton, chaque roman est divisé en quatre épisodes, constituant ainsi une histoire à part entière. Au total, sur les 27 histoires, 13 seront adaptées en animé, pour un total de 52 épisodes de la série. Le studio TOEI Animation commandite alors à Takuo Noda, directeur d’animation, de concevoir les personnages de la série, afin de revisiter ceux issus des illustrations originales des romans américains des années 40, et ainsi les adapter pour le marché de l’animation japonaise en 1978. Mais ce dernier à un mal fou à renter dans la série et les personnages. Et chose très courante à l’époque où les japonais s’inspirent de vedettes internationales pour créer leurs personnages – à l’instar de la série Cobra s’inspirant de l’acteur français Jean-Paul Belmondo – Takuo va prendre pour modèle l’acteur américain Robert Redford, lequel servira de base afin de concevoir le design final du Capitaine Flam.
Takuo Noda et son collaborateur Toshio Mori vont ainsi revisiter tous les personnages issus des illustrations des romans originaux d’Edmond Hamilton : Curtis Newton, alias le Captain Future ; le professeur Simon Wright, au savoir inégalé, atteint d’une maladie incurable et dont William Newton, père du capitaine, transplante son cerveau dans un caisson en verre pour la version du roman ; le robot Grag, prononcé Crag en VF, issu du roman original, conçu par le père du Capitaine Flam et le professeur Simon, sera le premier compagnon de jeu de Curtis Newton ; Otho, l’androïde polymorphe, capable de prendre l’apparence de toute personne, deviendra Mala pour la version française ; Joan Randall deviendra Johann Landore pour les besoins de la version française ; Johnny Kirk deviendra Ken Scott ; Ezra Gurney deviendra Ezla Garnie ; ainsi que Oog et Eek qui deviendront Limaye et Fregolo.
Takuo Noda sera également directeur d’animation sur la série et aura la charge d’uniformiser les dessins des animateurs ayant des styles très différents les uns des autres, afin de donner une uniformité sur toutes les animations de la série. C’est à Tomoharu Katsumata, réalisateur attitré de la TOEI qui réalisa certains épisodes de la série Goldorak, que la TOEI confie le soin de réaliser toute la série. Tadanao Tsuji (mecha designeur) va quant à lui revoir le design des vaisseaux – notamment la Comète, le vaisseau principal du Capitaine Flam qui deviendra dans la version française le CyberLab – et va être influencé par le film 2001 : l’odyssée de l’espace, afin d’ancrer la série dans un univers plus plausible. Par ailleurs, il s’occupera également des décors et sera directeur artistique sur toute la série.
Les musiques très jazzy de la bande-son sont composées par l’excellent Yuji Ono.
Dans le roman original ainsi que dans la version animée, toutes les planètes du système solaire sont habitées et sont le théâtre des enquêtes spéciales du Capitaine Flam, mais contrairement au roman, et ce pour des raisons de crédibilité concernant l’animé, les japonais rebaptisent les planètes afin de les ancrer dans un univers plus imaginaire. C’est ainsi que Jupiter devient Mégara, théâtre principal du premier épisode dans lequel Flam doit affronter l’Empereur de l’espace, un ennemi mégalomane qui a le pouvoir de se dématérialiser et de traverser les parois. Edmond Hamilton fera de l’œil de Jupiter la Mer de feu qui abrite la fameuse prison. La planète Neptune est rebaptisée Bama, où Flam affronte Wrackar, un être aquatique ayant conçu une machine à transférer la pensée et qui se sert de cette dernière afin de conquérir la Terre en transférant l’esprit des êtres aquatiques de cette planète mourante dans les corps des êtres humains. Saturne devient Yos, où l’équipe de Flam est confrontée à l’empereur de l’immortalité qui fait le commerce de son élixir d’immortalité via des revendeurs de la source de vie.
Les aventures du Capitaine Flam sont avant tout des enquêtes le menant aux quatre coins de la galaxie, dans un genre littéraire appelé le space opera, auquel Edmond Hamilton donnera ses lettres de noblesse. Il se disputera d’ailleurs la paternité de ce style littéraire avec Edward Elmer Smith, dont l’œuvre sera une des nombreuses sources d’influence de George Lucas pour son film Star Wars.
Les droits de la série Captain Future sont acquis par la société I.D.D.h. dont le président Bruno-René Huchez, dit BRH, se rend au marché international des programmes TV à Cannes afin de vendre la série. Il la propose à Jacqueline Joubert, directrice des programmes pour la jeunesse d’Antenne 2, qui décline l’offre avec une certaine véhémence, car le Captain Future est également le titre d’une bande dessinée érotique éditée en 1979 sous le label les humanoïdes associés et sont les auteurs sont Philippe Manœuvre et Serge Clerc. C’est alors que BRH croise la route de Jean-Louis Guillaud, président directeur général de TF1. Ce dernier est très intrigué par les ventes que réalise BRH auprès d’Antenne 2, notamment Goldorak, Candy et San Ku Kaï. Il n’a pas d’équivalent sur sa chaine TF1, hormis un programme que Jean-Louis Guillaud produit, L’Île aux enfants. Récré A2 commence à lui faire de l’ombre, car Casimir ne fait pas le poids. Il décide d’acheter la série Captain Futur afin de concurrencer Antenne 2, mais il faut absolument changer le nom de la série. BRH et son assistante vont alors rivaliser d’ingéniosité. Afin d’être raccord avec le « F » qu’arbore le Captain Futur sur sa ceinture, un qualificatif sort instinctivement : le Capitaine Flamboyant, dû à la couleur de ses cheveux. Capitaine Flamme sera évoqué et le nom est raccourci en Capitaine Flam. Ça y est, la série peut être enfin vendu à TF1. La cession des droits de diffusion est faite entre la société I.D.D.h et la chaîne TF1. Pour un problème inhérent à l’exploitation de produits dérivés, BRH décide de prendre un pseudonyme au générique sous la forme d’une anagramme : Bruno Huchez deviendra Hubert Chonzu, lequel sera spécialiste des produits dérivés européens, et ce dernier achètera les séries au Japon et sera le propre concurrent de BRH.
C’est à la société de doublage S.O.F.I FILMS que l’on confie le soin de produire l’adaptation et le doublage de la série. Cette dernière va s’entourer des meilleurs acteurs de doublage dont Philippe Ogouz qui incarnera la voix française du Capitaine Flam. Il sera aussi directeur de plateau sur toute la série. Sylvie Feit sera la voix de Joahann Landore. Georges Atlas incarnera Crag. Mala sera doublé par Albert Augier. Le professeur Simon Wright quant à lui sera doublé par Serge Lhorca. Ken Scott par Jackie Berger. René Arrieu sera la voix du président Cashew. Michel Gudin sera la voix du narrateur de la série, à qui l’on doit cette voix si captivante. Dominique Paturel quant à lui sera le narrateur du texte d’accroche du générique de début, mais contrairement à ce qui est dit dans la chanson, le Capitaine Flam ne réside pas au fin fond de l’Univers, mais sur la Lune.
Jean-Jacques Debout est mis sur le coup afin de composer la musique du générique. Elle sera à de multiples reprises diffusée dans la série, se substituant ainsi à la musique originale de Yuji Ono, et c’est son ami, Roger Dumas, qui a la charge d’écrire les paroles de la célèbre chanson le temps d’un week-end. Le générique est interprété par Richard Simon qui n’est autre que l’un des choristes de Jean-Jacques Debout.
Le Capitaine Flam pourrait s’apparenter à un super-héros bien qu’il n’est pas de pouvoirs surnaturels, mais il est doté d’une formidable intelligence, parlant près de trois-cents langues et dialectes. Il est également capable de réaliser des transplantations de cerveau, notamment dans la nouvelle « Les Harpistes de Titan » et il rivalise dans l’art de la débrouillardise, inventant des systèmes ingénieux afin de se sortir des situations les plus périlleuses.
Le Capitaine Flam, c’est aussi la vulgarisation scientifique, où l’on explique des phénomènes scientifiques simplement, notamment sur la réfraction de la lumière ainsi que la théorie des dimensions parallèles. Nombreux sont les sujets abordés par Edmond Hamilton, parmi lesquels le voyage dans le temps dans l’animé intitulé « Départ pour le passé », la manipulation génétique dans l’épisode « Au-delà des ténèbres », le voyage au cœur des atomes dans « Le Secret des Sept Pierres », la découverte d’anciennes civilisations perdues, le passage d’une dimension à l’autre, le transfert de la pensée dans « Les Cinq Mines de gravium », thème récurrent chez Edmond Hamilton qui sera le fruit en 1949 de l’un de ses autres romans phares « Les Rois des étoiles ». C’est cette diversité qui fait du Capitaine Flam une série qui ne tombe jamais dans la monotonie.
Nombreux sont les ennemis du Capitaine Flam, parmi lesquels Ted Box, John Valdine, Kin Skipo, Kahlon – qui n’est autre que le fils de l’assassin des parents du Capitaine Flam – le roi Lulstan, le roi Korok, Wrackar, le professeur Zaro, Kim Ivan, Melemos, Jakal, le roi Soryx, Qweldel, Norton et le roi Moor.
La série est diffusée le 7 janvier 1980 sur TF1 dans le cadre de l’émission Les Visiteurs du mercredi et le succès est au rendez-vous. Les vignettes de l’album Panini s’échangent dans les cours de récré et de multiples produits dérivés voient le jour, notamment des disques et des bandes dessinées. Le succès de la série est tel qu’elle sera diffusée à de multiples reprises sur les chaînes françaises, de TF1 à M6 en passant par Canal J.
Il existe un épisode spécial intitulé « L’ultime course à travers le système solaire ». Mais les voix ne sont plus les même que dans la version originale française, frôlant parfois l’amateurisme. La bande son a été revisitée et amputée de la majorité des musiques signées Yuji Ono.
Concernant le générique de fin, on est en attente de se demander ce que viennent faire ces images où l’on aperçoit un chien courant aux côtés d’un grand-bi. C’est tout simplement un hommage que les japonais ont voulu rendre à l’enfance de l’écrivain américain Edmond Hamilton. Le Capitaine Flam, emprunt de nostalgie, regarde à travers le hublot du temps l’enfance de son créateur Edmond Hamilton, né de parents fermiers en 1904 et élevé dans l’Ohio et qui a la force du poignet a pu échapper à son premier travail dans les chemins de fer de la Pennsylvanie au travers des romans qu’il a écrit et qui ont alimenté l’imaginaire du jeune public durant plusieurs décennies.
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3 commentaires
Karamel Posté le vendredi 26 février 2021 à 17:07:32 Clairement LE dessin animé de mon enfance. Que de bons souvenirs... | |
Clément Posté le dimanche 14 février 2021 à 07:50:21 J'ai 46 ans et ce dessin animé à bercé mon enfance. Je m'en souviendrai toujours. | |
DaveEx Posté le samedi 13 février 2021 à 15:44:46 Très bonne rétrospective, merci ! |
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